Etre ou avoir
La vie est belle. La vie n’est pas toujours légère et douce, elle n’est pas toujours stimulante, ni confortable, mais elle est belle – parce qu’elle EST, tout simplement. Etre en vie, célébrer la jouissance d’être en vie par tous les pores de sa peau… voilà qui pèse son poids. Voilà qui est important. Voilà qui rend heureux – quand on s’en rappelle.
Les professeurs de français enseignent à leurs élèves la valeur des mots, la raison de leurs emplois, pourquoi on en choisit un plutôt que l’autre ; quand vient le moment d’étudier les deux auxiliaires de la langue française, être et avoir, l’évidence leur saute généralement aux yeux : être ou avoir, ça n’est pas du tout la même chose. Le débat philosophique s’est même emparé de ces deux verbes pour, en les mettant en balance par l’usage de la conjonction « ou », bien marquer les travers de la société contemporaine : privilégier l’avoir à l’être, c’est vouloir accumuler les biens plutôt que s’enrichir au sens spirituel. C’est croire qu’on est quelqu’un de meilleur parce que l’on possède, au lieu de cultiver son essence intérieure. Bref, tout l’enjeu de nos vies est de trouver qui nous sommes, quelque part entre avoir et être…
Les femmes dont nous allons parler dans ce premier numéro illustrent cet enjeu, puisque, toutes, elles ont expérimenté – ou continuent d’expérimenter –, au quotidien, l’ambivalence entre l’être et l’avoir. Les femmes qu’accueille le projet Elles dansent, mis en place par le collectif Latin Girl Pride, ONT toutes des difficultés qui, souvent, les submergent ; mais avec les intervenantes d’Elles dansent, qui leur dispensent gratuitement des cours de salsa, elles apprennent à ETRE des danseuses, des corps libres, des corps heureux. Ces femmes, pour certaines, ONT un cancer ; mais elles SONT, avant tout, des femmes – dont le besoin premier est de s’épanouir en tant que telles, dans toute leur féminité. Celia Cruz, à qui nous avons choisi de dédier notre premier dossier, pourrait être leur marraine, la marraine de celles qui redécouvrent leur corps, leur bien-être, leur féminité, entre autres grâce à l’univers chaleureux, festif et tellement généreux de la salsa… En effet, ayant traversé elle-même les souffrances d’un cancer du cerveau, elle n’a jamais cessé de monter sur scène, affublée des costumes les plus exubérants, pour célébrer la vie et rendre grâce à toutes les saveurs de celle-ci. Celia Cruz AVAIT un cancer, mais elle ETAIT avant tout une voix éternelle, et un sourire insubmersible… Que retiendront les générations futures ? Sa maladie, ou la puissance de son message ? La vie est un carnaval, et il faut savoir en relativiser les moments difficiles, nous affirme Celia – et ses mots continuent de vibrer dans l’espace, alors même que la grande dame a disparu depuis plus de onze ans. Ce sont ces mots que nous aimerions, aujourd’hui, faire entendre aux femmes qui viennent avec délices découvrir la salsa via le projet Elles dansent. Mais au-delà de ces femmes particulières, c’est avec toutes les femmes, et avec tous les hommes, nos moitiés d’orange, que nous voulons partager le message d’espoir de Celia Cruz : « La vida es una hermosura, hay que vivirla. »
C’est à vous, nos lecteurs, que nous voulons rappeler : la vie est belle, vivons la pleinement.
Gataloca
De la danse, des femmes, un concept, des rencontres : Latin Girl Pride
En 2012, une discussion entre deux femmes au détour d’un congrès de salsa a donné naissance à un projet culturel et artistique qui allait voir le jour grâce à l’association Paris Newdance. Il a enrichi l’univers de la salsa du tout premier festival itinérant connu sous le nom de “Latin Girl Pride”. La première édition de Novembre 2013 a été un réel succès, une journée de workshops menée par des intervenantes internationales de qualité du monde de la salsa, cloturée par un show d’envergure devant un public de 300 personnes en plein coeur de Paris.
Dans l’ombre de cet événement, une action sociale et solidaire est menée auprès d’associations telles que “Etincelle” à Issy les Moulineaux (92) et le “Palais de la Femme” à Paris, géré par l’Armée du Salut, partageant une cause commune, celle d’aider les femmes en difficulté. Des cours hebdomadaires de salsa sont mis en place pour ces femmes. Le projet social “Elles dansent” fait parler de lui et devient peu à peu l’essence des projets menés par l’association Paris Newdance, association aux multiples ressorts.
Tout le monde en parle mais encore faudrait-il définir ce qu’est “Latin Girl Pride” aujourd’hui…
Latin Girl Pride est bien plus qu’un simple festival, c’est devenu un concept, un courant qui vise à mettre en valeur le féminin au travers des femmes dans la danse. Et elles sont nombreuses à y adhérer. Un noyau de 13 bénévoles oeuvre dans les coulisses, au sein de l’association. Les actions menées à travers Latin Girl Pride font écho dans le milieu des danses latines et afro-caribéennes. Mais ne vous y trompez pas, ce courant n’est pas un mouvement de femmes uniquement dans le milieu des danses latines. Les hommes ont leur rôle à jouer et peuvent également contribuer à la mise en valeur du féminin dans la danse. Tel le Yin et le Yang, le masculin et le féminin s’harmonisent et donnent naissance à de nouveaux projets.
Vient ensuite la marque américaine de chaussures latines Burju Shoes, représentée en France par Chiara Grosso et Aude Michon, qui “entre dans la danse” en Juin 2014. Un défilé dansé d’une vingtaine d’artistes latines et afro-caribéennes en majorité professionnelles est organisé au Barrio Latino grâce au courant Latin Girl Pride et à Burju Shoes France. Celui-ci sera identifié sous le nom de “Let’s Shoes”. Pensé, chorégraphié et mis en scène par Aude Michon et Frantz Kichenassamy. Ce duo mettra à l’honneur la femme au travers de la chaussure de danse, l’accessoire incontournable de toute danseuse de danses latines. Les sponsors répondent présents, avec bien sûr Burju Shoes pour l’ensemble des chaussures. On note la présence de Uniqlo qui habille intégralement les danseuses, ainsi que les marques internationales de maquillage Shu Uemura et Nars pour leur mise en beauté. Burju Shoes France de son côté soutient l’action “Elles Dansent” en offrant 1€ à l’association Paris Newdance sur chaque paire de chaussure vendue.
Vous l’aurez compris, Latin Girl Pride est bien plus qu’un festival ! C’est un concept, un courant culturel et artistique qui met le féminin en valeur par le mouvement, la danse et les accessoires. Nous avons tous hâte de découvrir ce que nous réservent les Latin Girls pour cette rentrée !
Les temps forts depuis la création
- “Elles Dansent”
Sept. 2013 : partenariat avec l’association du Palais de la Femme – cours de salsa hebdomadaire
Oct. 2013 : partenariat avec l’association Etincelle – cours de salsa hebdomadaire
- “Latin Girl Pride”
30 Nov. 2013 : 1er festival itinérant “Latin Girl Pride”
29 Juin 2014 : 1er défilé dansé “Let’s Shoes”
Soutenir l’association (cf. http://www.parisnewdance.org) :
– en achetant un tee-shirt Latin Girl Pride ( entre 15 € et 20 € selon les modèles – pour femmes et hommes : http://www.latingirlpride.com/t-shirt)
– en faisant un don : http://www.latingirlpride.com/association-paris-newdance
Pour en savoir plus :
- Sur l’association Paris Newdance et ses activités : http://www.parisnewdance.org/
- Sur les chaussures Burju Shoes : le catalogue : http://www.burjushoes.com / Contact : Facebook : Burju Shoes France ou e-mail : burjushoesfrance@gmail.com
- Les associations partenaires de “Elles Dansent” : http://www.etincelle.asso.fr/ et http://www.armeedusalut.fr/armee-du-salut/notre-histoire/lieux-de-vie-et-de-memoire/le-palais-de-la-femme.html
Émilie R.
Le sucre de la vie
J’aime les titres qui en disent peu, mais qui en disent finalement long une fois qu’on a lu l’histoire jusqu’au bout. J’aime les titres qu’il faut déchiffrer, décoder, interpréter. J’aime les titres qui ne se laissent pas comprendre du premier coup. J’aime que vous lisiez ce titre, ces mots, intrigués par leur association, et sans savoir où vous mettez les yeux. Sans anticiper ce que vous allez découvrir dans ce dossier. Sans vous dire : « Oh, bon, une biographie de Celia Cruz de plus… »
Car oui, c’est d’elle qu’il s’agit dans ces pages : Celia Cruz, la grande Celia, la « reine de la salsa », la voix quasi-masculine et tant entendue sur les pistes de salsa et les ondes des radios latines – connue, archi-connue même, célébrissime… galvaudée peut-être.
Sauf que derrière la voix, derrière le sourire large comme une porte cochère, derrière les perruques extravagantes et les tenues kitchissimes, il y a une femme, un vécu, et une légende. Il y a une personne et son personnage, des valeurs et un symbole qui touchent tous les latinos, tous les noirs, et toutes les femmes. Il y a cette personnalité touchante et solaire dont toute la vie se fonde sur la fierté d’être cubaine.
Dont toute la vie, en somme, est résumable par ces mots – les nôtres, les vôtres : latin girl pride.
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C’est d’abord l’histoire d’une petite fille aux allumettes, dont sa bonne marraine la fée repère la voix de sirène, et qui comme Cendrillon finit par connaître un destin royal…
Il était une fois Ursula Hilaria Celia de la Caridad Cruz Alfonso de la Santisima Trinidad, dite Celia Cruz, née en 1925 dans un quartier populaire de La Havane, élevée parmi une douzaine ou une quinzaine de gosses – le conte en a perdu le compte -, frères, sœurs, demi-, cousins,… Elle rêve de servir à quelque chose, de nourrir les autres, de s’élever un peu dans la société – son père, cheminot, l’appuie : elle sera institutrice.
Ou pas.
Car un jour, la petite va-nu-pied gagne sa première paire de chaussures en chantant pour un touriste émerveillé. Car un autre jour, des passants enjôlés s’arrêtent à la fenêtre de cet Orphée cubain pour l’écouter chanter des berceuses aux plus petits de la famille. Celia découvre alors qu’elle charme, que sa voix est magique… et sa famille comprend qu’il y a quelque chose à gagner là-dedans – jamais l’expression « voix d’or » n’a pris autant de sens. Et donc, dès l’adolescence, Celia vend sa voix, à l’instigation d’une tante – puis d’un cousin. C’est l’époque des cabarets où se produisent danseurs, musiciens et chanteurs, et celle des concours radiophoniques ; elle a de multiples opportunités de se faire entendre – et elle finit par abandonner son rêve d’enseignement pour entrer au conservatoire de La Havane, puis décrocher un contrat avec le Tropicana Night Club, et enfin, la place tant enviée de chanteuse au sein du plus grand groupe cubain des années 40 : la Sonora Matancera.
Elle doit s’obstiner pour s’imposer au public mais finit par avoir gain de cause. Cendrillon n’a plus peur alors que son carrosse se transforme en citrouille car elle a décroché la timbale : un job en or, et le Prince Charmant en bonus ! Car dans l’orchestre, le trompettiste lui fait de l’œil… Il s’appelle Pedro Knight Carabello – quel nom prédestiné ! Il sera son knight, son chevalier… c’est avec lui qu’elle finira par quitter le groupe pour lancer une carrière solo brillante aux Etats-Unis – carrière dont il sera le manager.
C’est toujours avec lui à ses côtés qu’elle devient la « reine de la salsa », seule femme dans le monde masculin des artistes du label Fania (l’équivalent de Diana Ross pour la Motown), figure de proue du mouvement salsa des années 70 et du renouveau des musiques latinos dans les années 90, seule chanteuse latine que Google ait doodlisée, et seule chanteuse latine que le très français Libération ait jamais mise à la Une, recordwoman des récompenses en sa catégorie (cinquante ans de carrière, vingt-trois récompenses !), partenaire de scène et d’enregistrement des plus grands noms : Tito Puente, Larry Harlow, Johnny Pacheco, Ray Barretto, Papo Lucca, Willie Colon, Ismael Rivera, Oscar d’Leon…
Et comme dans tout bon conte de fée qui se respecte, Celia et son chevalier servant seront heureux jusqu’à ce que la mort les sépare, en 2003 – même s’ils n’auront aucun enfant.
Celia Cruz, une trajectoire.
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C’est aussi l’histoire d’une terre et celle d’un peuple, inscrites dans la chair d’une femme devenue une légende – l’histoire d’une identité, d’un exil, d’un amour et d’une souffrance.
Il était une fois Cuba, terre délivrée mais asservie par un Révolutionnaire marxiste-léniniste du nom de Fidel Castro, terre à laquelle les Cubains qui fuient aussi vite que possible le nouveau régime ne cessent de se référer, ne cessent de rêver, ne cessent de s’identifier.
Et il était une fois la Cubaine Celia Cruz, exilée de la première heure, inscrite sur la liste noire du Parti, interdite de diffusion sur les chaînes hertziennes jusqu’en 2012, interdite de visite – même pour enterrer sa mère. Celia, la voix de l’anti-castrisme, celle de la station de radio de Miami WQBA : « Je suis la voix de Cuba, la voix de cette terre lointaine, celle de la liberté, celle de WQBA, la Cubanissime ! » Celia, la voix du refus… Le refus de chanter en compagnie de musiciens asservis au Parti, qui n’ont pas choisi l’exil… Le refus d’oublier Cuba, « ma vie, mon amour », où « j’ai laissé mon cœur enterré » (Cuando sali de Cuba), Cuba qu’elle frôle de très près en visitant Guantanamo – une visite pendant laquelle elle ne cesse de pleurer, d’être à la fois si proche et si loin de son île… Mais aussi le refus d’être enterrée ailleurs qu’à Cuba, même symboliquement – elle sera inhumée dans le New Jersey, mais sous un peu de terre cubaine ramassée à Guantanamo…
Celia Cruz, l’incarnation même de la « cubanité » (« Moi qui suis plus cubaine que les palmes » se décrit-elle) – pourtant de nationalité américaine depuis 1965, décorée par Bill Clinton de la médaille nationale des arts et même étoilée sur le Walk of Fame d’Hollywood Boulevard – est le nom, la voix, et le sourire que les Cubains en exil mettent sur le rêve récurrent qu’ils font de leur île. Celia Cruz, à leurs yeux et à leurs oreilles, c’est Cuba même… « Je serai toujours tabac, rumba et son, guajira, danzon et guaracha, bolero et guaguanco », affirme-t-elle en chantant La Voz de la experiencia : je serai toujours cubaine.
Alors, le grand corps de cette femme sculpturale devient leur horizon, l’ADN dans lequel ils se reconnaissent, leur madeleine de Proust et leur porte-voix. Et quand elle leur crie : « Azucar ! », ce leitmotiv qu’elle reprend à chaque concert depuis qu’elle a raconté à son public comment, à un serveur qui lui demandait si elle voulait du sucre dans son café, elle a répondu qu’étant lui aussi cubain il devait bien évidemment connaître la réponse à cette question (« AVEC du sucre, voyons ! »), ils ne s’y trompent pas : c’est Cuba qu’elle crie, Cuba qu’elle évoque, Cuba qu’elle appelle lorsqu’elle lance son cri de guerre : « Azucar ! », « Du sucre ! »… le sucre, production emblématique de l’île qui renvoie à sa culture, à la beauté de ses paysages, à sa douceur de vivre, mais aussi à l’histoire douloureuse de sa colonisation et de l’esclavage. Elle-même en a conscience d’ailleurs, car elle revendique d’avoir, « à travers ma musique, enseigné ma culture à des générations entières ». Et quand elle hante l’hymne cubain, le Guantanamera de José Marti, tous les Cubains vibrent avec elle…
Au-delà de Cuba d’ailleurs, ce sont les expatriés de toutes les îles latino-caribéennes (« Borinquen, Cuba et Quisqueya ne font qu’une dans mon cœur » chante-t-elle dans Soy Antillana), et même de tous les pays d’Amérique latine (« Toi et moi nous sommes frère et sœur, nous avons un passeport latino-américain », « Nous avons les mêmes rêves », clame-t-elle dans Pasaporte latinoamericano), qui se reconnaissent dans son chant et son histoire. Son nom est sur toutes les lèvres, il est dans tous les coeurs…
Et donc, lorsqu’elle meurt, en juillet 2003, c’est un deuil général que portent ces exilés, ainsi que leurs enfants et leurs petits-enfants – qui pour la plupart ne connaissent l’île qu’à travers les récits des aïeux et les chansons de la grande dame. « Enterrer Celia, c’est comme enterrer nos rêves » diront alors certains.
Celia Cruz, leur territoire.
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C’est enfin l’histoire d’un jaillissement, d’une excentricité, d’un cri, d’un sourire vibrant, l’histoire non pas d’une vie, mais de la vie même, et de sa célébration – l’histoire d’un carpe diem permanent jeté à la face d’un monde qui se désole et qui retrouve l’espoir en l’écoutant.
Il était une fois le sourire de Celia Cruz. Le sourire d’une femme qui célèbre la vie dans toutes ses chansons : sa propre vie et la vie tout court. Une femme qui évoque sa fierté d’être femme, d’être cubaine, d’être noire : « Mon sang est fait de sucre noir, il est amour et musique » (Azucar negra). Qui chante la valeur de la vie, la relativité de celle-ci et l’optimisme qui doit accompagner chaque instant : « Celui qui pense que la vie est toujours cruelle, il faut qu’il sache que ce n’est pas le cas, qu’il y a seulement de mauvais moments, et que tout passe » (La Vida es un carnaval). Qui enjoint à celui qui l’écoute de profiter de la vie, de relativiser ses souffrances et d’avoir foi en l’avenir, qui lui crie de mettre un peu de sucre dans son café, un peu de sucre dans sa vie : « Azucar ! »
Et qui plus est, dans la bouche de Celia Cruz, le carpe diem ne reste pas une notion abstraite. Scandés sur un rythme de salsa, cette musique si festive et joyeuse, tellement puissante, ses conseils ne restent pas lettre morte, ils prennent la saveur même de la vie : « Vis ta vie et jouis-en totalement », « Saisis la valeur du moment, saisis la valeur du présent parfait » (Rie e llora). Sa propre vie, dont elle dit qu’elle a « toujours été un carnaval », est d’ailleurs une illustration des paroles de ses chansons ; atteinte d’une grave maladie (une tumeur au cerveau dont elle est opérée en 2002), elle conserve son impérissable sourire, monte encore sur scène quelques mois avant sa mort, et laisse un album posthume au titre significatif, Regalo del alma (« cadeau de l’âme »), dans lequel elle reprend le célébrissime I will survive de Gloria Gaynor en version latine. Face à la maladie dont elle sait qu’elle la consumera fatalement, elle garde la même ligne d’horizon et continue de chanter : « Je profite bien de la vie, même si je prends des médicaments » (La Negra tiene tumbao). Parce que la vie est dure parfois, douce-amère souvent, et trop courte quoi qu’il en soit, il faut lui rire au nez à coups de perruques bariolées.
Cette femme si pleine de vie, et si reconnaissante à la vie, est parfaitement consciente de ce qu’elle incarne : « J’ai réalisé le désir qu’avait mon père de faire de moi un professeur puisque, à travers ma musique, j’enseigne à des générations entières (…) le plaisir qu’il y a à vivre, tout simplement. Quand je monte sur scène, je veux que les gens sentent leur cœur chanter et leur esprit s’envoler. » Généreuse et altruiste, elle s’implique dans la philanthropie en créant une fondation à double usage : lever des fonds pour la recherche contre le cancer, et soutenir de jeunes latinos désirant devenir musiciens.
A tel point que le nom de Celia Cruz est devenu pour beaucoup synonyme d’exemplarité… Une fan écrit sur son blog (http://www.tikitikiblog.com) : « Celia Cruz, la femme dont je veux que ma fille écoute, ressente, vive les paroles. La femme dont les mots, le rythme et l’histoire devraient être connus de tous. » Plus loin elle ajoute : « Sa vie et sa musique peuvent tout enseigner aux enfants, de l’histoire (…) au langage, aux arts, et aux sciences sociales. » Et cette fan n’est pas la seule à raisonner ainsi puisqu’un site entier (http://amhistory.si.edu), est dédié aux ressources éducatives qu’un professeur peut trouver dans la vie et l’œuvre de Celia Cruz ; puisqu’une école de musique du Bronx, dont la vocation est de « donner aux étudiants les capacités nécessaires pour devenir des membres positifs et actifs de la société, faisant preuve de talent, d’intelligence, d’attention aux autres et d’une puissante éthique de travail », a été baptisée en son honneur.
Celia Cruz, un modèle.
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C’est donc l’histoire d’une gamine des faubourgs devenue la reine de cœur de tout un peuple (les Cubains) et d’une communauté élargie (celle de la salsa), qui prend son rôle au sérieux et s’échine à donner du bonheur aux gens. L’histoire d’une femme qui sait qu’elle est une artiste dont la vie sera courte, mais dont les mots et les chants resteront éternels… Alors quand elle chante « Je survivrai », c’est qu’elle sait que tant que « les gens continuent de m’écouter, je survis ». Elle rend grâce pour cette voix qui incarne tant, une voix qui « peut voler, traverser n’importe quelle blessure, n’importe quel temps, n’importe quelle solitude », qui « brise les barrières » et « traverse les frontières ». Une voix qui porte un message positif d’amour et d’optimisme. Une voix qui célèbre le sel de la vie – ou plutôt son sucre… Une voix que toutes les femmes du monde peuvent écouter en se laissant bercer par sa chaleur, puis, galvanisées, en se redressant avec fierté et courage.
Celia Cruz : une trajectoire, un territoire, un modèle que nous choisissons aujourd’hui de célébrer, en inaugurant notre webzine avec le portrait de cette immense dame qui nous faisait, certes, vibrer depuis longtemps déjà sur les pistes de danse, mais qui fait aujourd’hui également vibrer nos cœurs.
Celia Cruz, notre étoile.
Gataloca
Sources :
www.celiacruzlegacyproject.com
If only for a second…
Ce projet photographique nous a touchées, et nous avions envie de le partager avec vous. Outre qu’il parle, nous sommes convaincues, à chacun(e) d’entre nous, il entre également parfaitement en résonance avec le projet Elles dansent, orchestré par Latin Girl Pride, et avec le portrait de Celia Cruz que nous vous proposons ce mois-ci en dossier.
Une seconde d’exubérance – une seconde d’insouciance… pour chasser la maladie et repousser l’angoisse. Une seconde de pur et d’absolu bonheur.
Source : The Mimi Foundation.
Le film :
Le livre photo :
A la Une
Dans le numéro ce mois-ci : une réflexion philosophique (enfin, genre…), l’actualité de l’association, un dossier bien sucré comme on aime, et un festival de looks exubérants…